N° 2 du dimanche 12 janvier 1851
p.15 : NOUVELLES.- Deux grandes matinées musicales ont
été récemment données à Bruxelles dans la salle de la Grande-Harmonie,
la première par la Société des artistes musiciens, réunis sous la
direction de M. Ch. L. HANSSENS, et la seconde par les élèves du
Conservatoire, sous la conduite de M. Fétis père, directeur de cet
établissement. Parmi les solistes qui se sont le plus distingués
dans le concert des artistes musiciens, on cite M. BANEUX, premier
cor de lOpéra-Comique de Paris, M. WUILLE, clarinette-solo du régiment
des guides, qui a exécuté un souvenir du Pré-aux-Clercs sur le saxophone,
instrument tout à fait distinct de ceux que M. Sax a inventés pour
remplacer les anciens instruments à vent et en bois, et dans lequel,
en faisant disparaître tout le strident métallique, il a
conservé un son éclatant et suave, destiné à rendre déminents services
dans lorchestration nouvelle.
N°8 du 23 février 1851
p.67 : SOCIETE DE LUNION MUSICALE.- La Société de lUnion
musicale est la première qui ait élevé autel contre autel
dans le culte rendu à la musique à grand orchestre, et, par cela,
elle mérite la sympathie de la presse. M/ Félicien DAVID qui dirige
fort bien, nous a fait entendre, dans le troisième concert donné
dimanche dernier, une nouvelle symphonie de M. Théodore GOUVY.
(...).
« Le saxophone, -ce délicieux instrument qui seul aurait suffi
à faire la réputation de Sax si dautres créations non moins importantes
navaient déjà assigné une place hors ligne à cet éminent facteur,-
vient dobtenir un véritable triomphe au concert de lUnion musicale.
Le morceau exécuté par M. SOUALLE ne figurait pas sur le programme,
et son succès, pour ainsi dire improvisé, nen a été que plus
flatteur pour linstrument comme pour lartiste. On savait que
le saxophone avait un timbre mordant, velouté, et dune suavité
incomparable ; quil était conséquemment tout à fait favorable
aux développements dun chant large, dune mélodie expressive
; mais quil fût également propre aux notes détachées, aux dessins
les plus compliqués, aux mouvements les plus rapides, voilà ce
que M. SOUALLE nous a prouvé : aussi des bravos ont accueilli
le thème et chacune des variations de sa fantaisie. Une clarinette,
une flûte nauraient pas fait mieux. Nous ne doutons pas quaprès
cette épreuve décisive, dhabiles virtuoses ne sempressent dadopter
un instrument qui leur promet de produire de nouveaux effets.
(...)
Signé Henri BLANCHARD
p.69 : NOUVELLES.- Cest aujourdhui dimanche 2 mars quaura
lieu la troisième séance de musique de chambre de MM. ALARD et
FRANCHOMME, à deux heures, dans la salle Sax, rue Saint Georges,
50... ... ...
N° 17, du dimanche 27 avril 1851
p. 135 : NOUVELLES.- La Gazette musicale publiera régulièrement
une série darticles sur la grande exposition de Londres, à partir
de son ouverture. Ces articles offriront dautant plus dintérêt
quils seront écrits par la plume savante de notre éminent collaborateur
M. Fétis père, qui ça se rendre à Londres expressément.
N° 26 du 15 juin 1851
CORRESPONDANCE. Bruxelles 27 mai 1851
Monsieur le Rédacteur,
Lintérêt que vous portez à tout ce qui se rattache à lart
musical me donne lespoir que vous voudrez insérer dans votre
estimable journal quelques éclaircissements sur deux lettres
de M. Camille Pleyel relativement à mon nouveau piano. Je naurais
rien à ajouter à la réfutation faite par M. Fétis de la première
lettre de M. Pleyel si je ne sentais le besoin déclairer le
public sur les faits que ce dernier sefforce dobscurcir.
Si je parlais à M. Pleyel, je lui dirais : Vous réclamez la
priorité dinvention du chevalet compensateur dès 1836; comment
se fait-il donc que linstrument nait pas figuré à lexposition
de lindustrie en 1839 ni aux suivantes? Comment se fait-il
enfin que vous ayez abandonné une si belle invention pour rentrer
dans les habitudes communes? Mais ce nest pas seulement à M.
Pleyel que je dois parler, car la persistance quil a mise dans
sa deuxième lettre à maintenir ce quil avait avancé dans la
première, et sa manière de raisonner pour mer la possibilité
que jaie obtenu un brevet dinvention pour un nouveau piano
en 1829, mobligent à rétablir des faits irrécusables à la face
du public.
M. Pleyel dit : M. Sax père na pris ni en 1829 ni dans
les années suivantes jusquen 1850, aucun brevet en France pour
une invention applicable aux pianos. Est-il possible que
M. Pleyel se persuade quon ne prend de brevets quen France?
M. Fétis a dit en cela la vérité comme dans tout ce quil a
écrit. Il aurait pu ajouter que javais obtenu, par arrêté royal
du 23 février 1828, un brevet dinvention de 15 années pour
une nouvelle harpe, et, à la même date, un brevet dinvention
de13 ans pour un piano où je faisais décrire aux cordes des
angles opposés au plan de la table. Il est donc évident quen
supposant quil y ait eut similitude dinvention, jaurais lantériorité
de huit années.
Je devais à M. Fétis, je me devais à moi-même, de donner des
explications positives sur les faits ; mais je ne pouvais le
faire sans avoir une connaissance parfaite du brevet de M. de
La Brillantais, invoqué par M. Pleyel ; je me suis donc rendu
à Paris, et mercredi, 21 mai, jétais au ministère du commerce
et avais entre les mains le brevet en question. Je mattendais,
daprès le titre qui est : dune nouvelle construction de pianos,
à trouver un plan descriptif présentant un piano de face et
de profil ; mais je ne trouvai que deux feuilles volantes sur
lesquelles ou avait tracé des lignes décrivant des courbes et
des angles. Du reste, point dassemblage de linstrument ; nulle
apparence dune nouvelle construction. Mon attention se porta
sur deux choses qui me paraissaient être lobjet principal de
linvention, à savoir ; une ligne horizontale représentant la
table ; une perpendiculaire, le chevalet, et enfin, deux droites
sappuyant au sommet de la perpendiculaire, et formant un angle
assez élevé jusquaux points de rencontre de lhorizontale,
que lauteur appelle points dattache. Jentends par là, comme
lauteur, je suppose, le point où la corde est attachée dun
côté, et celui où e le aboutit à la cheville de lautre. Or,
suivant le plan de linventeur, il sen suivrait que les cordes,
décrivant un angle dans toute leur longueur, exerceraient une
pression énorme sur la table, et quaucun barrage ne pourrait
soutenir celle-ci. Quel moyen a donc trouvé linventeur pour
obvier à cet inconvénient radical? Le voici : il attache à son
chevalet un fil de fer correspondant au sommet de la perpendiculaire
et fixé à une traverse passant au-dessus des cordes, à leffet
dopposer une résistance à la pression de celles-ci. Certes,
lidée nest pas heureuse; car si le fil de fer allège la table,
il anéantit en même tems la mobilité du chevalet qui doit communiquer
à la table limpulsion des cordes, doù résulte la puissance
vibratoire de linstrument. Jen conclus donc que la sonorité
en devait être considérablement atténuée, et que le remède était
pire que le mal.
Dans sa description, linventeur dit quon pourrait mettre
de lautre côté un ch valet semblable pour neutraliser la pression
du premier. Où est cet autre côté? Lauteur ne le dit pas, mais
il faut que ce soit au-dessous de la table. Pour lexécution
de cette ingénieuse idée, je voudrais bien que lauteur expliquât
comment il se serait tiré daffaire dans le haut de linstrument.
Le deuxième chevalet décrit dans son prétendu plan est très-large
; langle est formé dans son épaisseur et décrit un quasi-prisme
avec lhorizontale : je défie quà lexécution on puisse tendre
les cordes sur un pareil chevalet et quon les fasse glisser
pour les mettre daccord.
Je me résume, et je dis quil ny a aucune analogie entre mon
piano et cette informe machine. Je ne puis croire que M. Pleyel
sy soit trompé. Mon invention nest pas à létat de projet;
elle est réalisée. Tous les hommes compétents qui sont à Bruxelles
ont joué on entendu mon piano; tous ont reconnu lexactitude
des faits mentionnés dans le beau rapport de M. Fétis.
Á légard de ce que dit M. Pleyel, que mon brevet tomberait
dans le domaine public sil nétait pas exécuté dans le temps
voulu, je le prie de croire que je nen suis pas à mon coup
dessai; que cette invention est la dix-septième pour laquelle
jai été breveté; que toutes ont porté leurs fruits; qur je
connais fort bien la législation des brevets de tous les pays,
et que je ne me laisse pas prendre au piége.
Agréez, Monsieur, lexpression de ma parfaite considération,
C. Sax.
N° 32 du 10 août 1851
p. 263 : NOUVELLES.- M. Adolphe Sax, le célèbre inventeur
et facteur dinstruments, a obtenu la grande médaille dor décernée
par le jury de Londres. Cet éclatant succès répond à bien des
attaques et répare bien des injustices.
N°48, du 30 novembre 1851
pp.385-388 : EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES -treizième lettre-
: Monsieur, Jai dit dans ma lettre précédente la révolution
complète qua produite dans les instruments de cuivre lheureuse
invention des pistons, je vais essayer dans celle-ci de rendre
intelligible à tous mes lecteurs le système de construction
des instruments rendus chromatiques par ce moyen, en faire connaître
les avantages, les inconvénients, et dire ce que M. Sax a fait
pour faire disparaître ceux-ci. (...).
« La famille des sax-horn (...)
« M. Sax est le créateur dune autre famille dinstruments
appelée saxo-tromba (...).
« Une troisième famille dinstruments nouveaux doit également
son existence à M. Sax : je veux parler des saxophones, dont
la forme, la sonorité, lagent de production et le timbre sont
absolument nouveaux. Ceux qui ont entrepris la ruine de linventeur
ont débuté par traiter linvention de chimère sur la simple
annonce qui en fut faite et avant quils en eussent rien vu.
Puis, lorsquil ny eut plus moyen de douter de son existence,
ils se mirent en quête de quelque chose qui eût quelque ombre
danalogie avec cette nouveauté, réputée auparavant comme impossible,
impraticable, fabuleuse, et lon finit par découvrir une méchante
imitation de la clarinette basse de M. Sax, breveté en 1838,
à laquelle le prétendu inventeur avait donné le nom de batyphone
; batifolante plaisanterie qui ne put soutenir le premier examen
des savants experts du procès. Et dabord le saxophone est un
tube en forme de cône parabolique, et le batyphone est cylindrique
; le saxophone se divise harmoniquement par octaves, comme la
flûte, et le batyphone par douzièmes, comme la clarinette ;
le premier octavie autre quintoie. Laissez faire pourtant :
les détracteurs ne sont pas à bout darguments. Le saxophone
a un bec et une anche de clarinette ; donc ce nest quune variété
de cet instrument. On peut dire de ces choses impunément devant
un monde dignorants, qui ne sait de quoi lon parle ; mais
devant des experts et des juges compétents, lillusion se dissipe
bientôt. Lexpertise a démontré en effet que la construction
du bec de saxophone est très différent de celle du bec de la
clarinette, et que ses effets nont pas danalogie.
« Quest-il besoin dailleurs de ces preuves scientifiques
? Ecoutez la clarinette, écoutez le saxophone, et, dites, quel
rapport ? Le saxophone, instrument délicieux, a un timbre sui
generis, tendre, mélancolique et suave, qui contraste avec le
caractère brillant et en dehors de la clarinette. On le disait
injouable, et partout on le joue avec le plus grand succès ;
et M. Waille (sic), artiste de beaucoup de talent, attaché à
lexcellent musique des guides, à Bruxelles, en a joué lhiver
dernier dans plusieurs concerts, et a exécuté sur ce même instrument
les traits les plus difficiles avec beaucoup daisance, aux
applaudissements unanimes dun public connaisseur. M. WAILLE,
dont lhabileté est incontestable, sest néanmoins trompé sur
le caractère de linstrument qui nest pas destiné aux choses
brillantes, mais à la musique expressive et aux effets mystérieux.
Lheureuse idée qua eue M. Sax de former tous les genres de
voix dinstruments par familles, conformément à la nature de
la voix humaine et à limitation des système en usage dans les
XVI° et XVII° siècles, est appliquée par lui au saxophone, dont
la série, du grave à laigu, est composée de cinq instruments.
On ne connaîtra bien la valeur du saxophone que lorsquon en
aura introduit un système complet dans les orchestres. Il y
a un monde deffets nouveaux à tirer de lopposition des familles
complètes de timbres différents : ce sera lavenir dun homme
de génie.
« Les cors et cornets, les trompettes et trombones (...).
« Pour compléter ce musée dinépuisable invention, de savoir
et de travail élégant, il ne manquait que le basson, cet instrument
infirme, guéri de ses imperfections. M. Sax na pas voulu y
laisser cette lacune, et il a produit son nouveau basson en
cuivre argenté et doré, dont tous les trous se bouchent avec
des clefs semblables à celles du nouveau système employé dans
la contrebasse.(...).
« Tant defforts, couronnés par tant de succès, ont établi
jusquà lévidence, aux yeux du jury, la supériorité écrasante
de M. Sax sur ses concurrents. Le mérite dinvention et de perfectionnement
que ses ennemis ont osé lui contester en France, pour se donner
le droit de semparer de ses découvertes ; ce mérite, hautement
soutenu à Paris par des savants et des artistes de premier ordre,
est précisément ce qui a frappé les trois degrés de juridiction
du jury chargé de décerner les récompenses de lExposition.
Cette récompense a été pour M. Sax ce quelle devait être, cest-à-dire
la grande médaille.
« Un fait bien remarquable sest produit à lExposition en
ce qui concerne cet artiste. Si lon en croyait ceux qui se
sont tous réunis pour le ruiner par un procès inique et ridicule,
M. Sax aurait emprunté à létranger toutes les inventions quil
sest attribuées : il ne serait quun impudent plagiaire. LAllemagne
surtout aurait à lui revendiquer la plupart des instruments
auxquels les facteurs doutre-Rhin conservent le nom de Sax,
ou dans lesquels on a conservé ses nouvelles formes, représentées
par les adversaires de linventeur comme des choses de peu dimportance
et de pure fantaisie. Ainsi, à son temps arrive le triomphe
de celui que tous ont attaqué, et qui sest trouvé assez fort
pour combattre seul.
« Ce même Adolphe Sax, si jeune encore, na pas voulu se borner
à créer des instruments nouveaux ; il en a voulu rendre létude
facile, et faire disparaître une grande partie des obstacles
qui retardent les progrès des élèves. Pour atteindre ce but,
il vient de publier à Paris, chez léditeur Brandus & Cie, une
Méthode complète pour sax-horn et saxo-tromba (...). Cet ouvrage
peut être présenté comme modèle pour la simplicité du plan,
la lucidité des préceptes et la gradation des difficultés.(...).
« On sétonne quau milieu de tant de travaux et de soins de
tout genre, M. Sax ait pu trouver le temps nécessaire pour méditer
et rédiger un ouvrage si bien disposé, si progressif et si supérieur
à tout ce quon a fait jusquà ce jour pour les instruments
de même genre. Le succès quobtiendra la méthode de sax-horn
et de saxo-tromba ne sera pas moins éclatant ni moins universel
que celui de instruments de son auteur.
Signé : FÉTIS, père.
p.391 : NOUVELLES.- La cérémonie de la distribution des récompenses
aux exposants de lindustrie française qui ont obtenu des médailles
décernées à Londres par le jury, a eu lieu mardi dernier au
Cirque des Champs-Elysées. M. Erard a été nommé officier de
la Légion-dHonneur ; M. Vuillaume, le célèbre luthier ; M.
Ducroquet, facteur dorgues ; M. Wagner, fabricant de métronomes,
et M. Montal qui, binen quaveugle, sest signalé comme facteur
de pianos, ont été nommés chevaliers du même ordre. M. Adolphe
Sax qui a aussi mérité la grande médaille, létait déjà depuis
deux ans.
|