N°7 du 13 février 1848
p.52/53 MANUEL GENERAL DE MUSIQUE MILITAIRE par Georges KASTNER.
Article second : « Il nest pas sans intérêt
de rechercher dans quelles conditions sopéra, pour
les musiques régimentaires françaises, la réforme
qui devait dun seul coup les porter à un si haut
point de perfection ; deux causes simultanées, bien que
fort différentes, contribuèrent puissamment à
cette réorganisation : létat déplorable
dans lequel étaient tombés nos orchestres de régiment
; larrivée à Paris de lhabile facteur
Ad. Sax. (...) M. SAX arrivait à Paris apportant avec lui
tout un mode dinventions et de perfectionnements pour les
instruments de musique, et spécialement de musique militaire
; déjà les idées de réforme avaient
pénétré dans les régions du pouvoir
; M. Sax ne fut pas un des moins ardents à les propager
et a en solliciter lapplication ; à la suite dune
audition de ses instruments chez M. le maréchal SOULT,
puis à la cour, le ministre nomma une commission pour procéder
sans retard à la réorganisation de nos musiques
militaires. (...) La bonne cause, on le devine, est celle qui
consacre la valeur, la supériorité des instruments
dAd. Sax. Aujourdhui que cette question est vingt
fois, cent fois jugée par lexpérience, il
nous semble quelle na pas dû être difficile
à résoudre ; mais reportons-nous à lépoque
où sagita ce curieux débat (...) Deux projets
principaux se disputaient lhonneur des suffrages : lun
avait pour auteur M. Carafa, et nétait composé
à peu de choses près que des anciens éléments
; lautre était luvre de M. Ad. Sax et
avait été présenté par lui dans un
mémoire des plus remarquables. Afin de pouvoir prononcer
en connaissance de cause sur le mérite relatif de ces deux
combinaisons, la Commission crut nécessaire de procéder
à une audition comparative, et fixa au Champ-de-Mars pour
lice à ce tournoi dun nouveau genre (...). Ce fut
alors seulement, et à lissue dune lutte si
longtemps prolongée, que la Commission fit connaître
son jugement, et déclara que le système proposé
par Ad. Sax se distinguait par une sonorité plus puissante
et plus homogène, par une fusion remarquable et une plénitude
rare dans le forte, comme dans le piano, par une
porté et un volume de sons tels, quà une distance
assez considérable, aucun détail de cet harmonieux
ensemble ne pouvait échapper à loreille ;
enfin par une puissance et une ampleur dans les notes graves qui
devaient être attribuées à la présence
des saxhorns basse et contrebasse. Tel fut le jugement de la Commission.
(...) Le gouvernement rendit une ordonnance par laquelle il fixa
de la manière suivante la composition des musiques de larmée
: MUSIQUE DUN REGIMENT DINFANTERIE [= 50 musiciens.
dont 2 saxophones. Voir Comettant...] MUSIQUE DUN REGIMENT
DE CAVALERIE [36 musiciens, voir Comettant, ].(...)
Signé ESCUDIER
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N°11 du 12 mars 1848
p.79 NOUVELLES : M. Ad. Sax vient doffrir au gouvernement
provisoire une musique complète formée dinstruments
de sa fabrique, pour la première légion de la garde
nationale mobile. Dès le lundi 28, M. Sax rouvrait ses ateliers,
et ses ouvriers consacraient spontanément le produit de leurs
première journée de travail au profit des blessée
[de février].
N°35, du dimanche 27 août 1848
p.267 : NOUVELLES.- Le tribunal de grande instance a rendu son
jugement dans le procès intenté par Ad. Sax à
divers facteurs dinstruments. En voici les dispositions
principales ; annulation dun des brevets, partage
du second et confiscation du troisième. Aucuns dommages-intérêts
nont été accordés à M. Sax ;
mais, par compensation, ce dernier a été condamné
à entrer en partage dans les frais du procès. Une
expertise ordonnée par le tribunal, et confiée aux
soins de MM. Halévy, compositeur, Savart, colonel du génie
et acousticien, et Boquillon, bibliothécaire des arts et
métiers, avait donné gain de cause sur tous les
points à M. Sax, et conclu au maintien des trois
brevets ; le tribunal en a décidé différemment,
et tout en reconnaissant une partie des inventions de M. Sax,
il a jugé quune autre partie desdites inventions
annulées nétait point brevetable, et que lannulation
en serait suffisamment indemnisée par une médaille
dargent. M. Sax interjettera probablement appel de ce jugement.
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N° 44, du 29 octobre 1848
p.334 : « A M. LE DIRECTEUR DE LA GAZETTE MUSICALE - Bruxelles,
24 octobre 1848.- (...) Le bouleversement européen (...)
plonge en ce moment la plupart des artistes dans la misère
(...) ; Avez-vous des nouvelles dAngleterre ? Il sy
passe des choses fabuleuses en musique. Par exemple, il y a été
importé quinze mille quintaux de pianistes français,
prussiens, viennois, hongrois, bohèmes, moraves, et même
croates, je crois, le tout escorté de quelques régiments
de violonistes, violoncellistes, contrebassistes, flûtistes,
clarinettistes, cornistes et trombonistes. Tout cela va de porte
en porte, demandant à grands cris des places, des concerts,
des festivals et des leçons, soffrant au rabais,
et acceptant ce quon accorde sans marchander. De là,
les entrepreneurs de théâtres et des concerts-Musard
ont pris occasion de diminuer le salaire de leurs symphonistes,
à ce point que des premiers violons dorchestre ont
vu réduire leurs appointements de deux cents francs
par mois. Le prix des leçons subit aussi de notables
réductions. Bientôt la guinée classique quon
payait autrefois aux professeurs en renom deviendra une des fictions
des Mille et une Nuits. Les à plus grands talents
même sont obligés de se soumettre à la nécessité,
car, avant tout, il faut se nourrir. On massure que Chopin,
plus mourant que jamais, sest décidé à
se faire transporter dans un fauteuil chez ses élèves,
ne pouvant plus monter un escalier.
« Il me souvient quune partie de ces pauvres artistes
ruinés sétait dirigée vers la Russie
; mais lempereur NICOLAS, craignant la contagion, et peu
désireux des douceurs de la meilleure des républiques,
leur a fait fermer la porte de ses états.
« Parmi les notabilités frappées par le
tohu-bohu général, se trouve Adolphe SAX ; mais
homme de courage et de résolutions, il ne se laisse point
abattre par la mauvaise fortune, et tandis que la situation
de la France compromet son industrie artistique, il cherche
ailleurs à souvrir des débouchés.
Un jury ayant été nommé par le ministre
de la guerre, en Belgique, pour lamélioration des
corps de musique militaire, qui sont cependant très bons
en général, et votre correspondant en ayant été
nommé le président, Sax a cru le moment favorable
pour faire adopter son système dinstruments, et
en a envoyé une cargaison ; mais il y a dans toutes les
administrations des difficultés contre ce qui est nouveau,
des lenteurs insurmontables, et la force dinertie ou lesprit
dintrigue quon y oppose aux hommes de résolution
et dactivité ne sont pas de médiocres obstacles.
SAX aurait voulu que des essais fussent faits dans un des corps
de musique de larmée ; mais jai bientôt
compris quon arriverait pas facilement à un résultat
positif par ce moyen, et jai pris la résolution
dorganiser moi-même, dans le Conservatoire placé
sous ma direction, un enseignement spécial des instruments
du système de Sax, et den faire ensuite lessai
en grand devant le jury et devant le ministre de la guerre.
En conséquence, jai convoqué le professeur
dinstruments de cuivre du Conservatoire pour procéder
à lexamen et à lessai des nouveaux
instruments, et pour en faire la comparaison avec les bugles,
ophicléides, trompettes, cornets et autres instruments
ordinaires. Le résultat de la première séance
a été favorable au nouveau système, et
sous peu de jours aura lieu le dernier examen. Déjà
je fais choisir parmi les élèves ceux qui montrent
le plus daptitude, et un mois suffi lra pour obtenir une
exécution très satisfaisante.
« Pour ma part, jen ai plus appris dans une demi-heure
dexamen des instruments que dans tout ce qui a été
écrit depuis plusieurs années sur cette question.
Il me paraît quon na pas compris nettement de
quoi il sagissait, ou du moins quon ne la pas
dit. Il y a des classifications à faire dans tout cela,
des distinctions à établir ; après quoi,
je pense que tout le monde sera daccord, à lexception
des intérêts lésés, quon ne peut
jamais rallier. Je vais continuer lexamen auquel je me suis
livré ; puis vous me permettrez, mon cher collaborateur,
de faire pour la Gazette un travail spécial sur
cette matière. Je rendrai compte aussi de leffet
produit par lensemble des instruments lorsque lexécution
sera parvenue au point où je le veux. (...) ». Signé
FÉTIS père.
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N° 50, du 10 décembre 1848
pp.382-384 : DE LORGANISATION DES MUSIQUES MILITAIRES
et DES INSTRUMENTS DU SYSTEME DE SAX : Sil ny a,
sil ne peut y avoir de progrès proprement dit dans
lart, en ce qui est le produit de limagination et
du sentiment, il ny en est pas de même à
légard de lexpérience, de lobservation
de certains faits, de certaines combinaisons, et des moyens
matériels par lesquels la pensée de lartiste
se manifeste. Ici, le progrès est une conséquence
nécessaire de la perfectibilité humaine et de
la civilisation. Dans le domaine du génie il ny
a jamais que création et transformation, avec des facultés
identiques pour tous les temps ; mais dans celui du savoir et
de lexpérience, le temps ajoute toujours à
ce qua fait le temps. Disons aussi quarrivée
à un certain point, la civilisation pousse lesprit
dans une sphère dactivité que multiplie
rapidement les découvertes, tandis quà une
époque moins avancée, ces découvertes sont
rares et ne se succèdent quà de longs intervalles.
« Appliquons ces réflexions à la musique
militaire, et nous en comprendrons la justesse. (...).
« Après cet exposé sommaire, je crois devoir
donner quelques renseignements sur les principales variétés
de combinaisons dans le nombre des musiciens et dans les proportions
des divers instruments en Autriche, en Prusse, en Bavière,
en France et en Belgique. (...).
« Les corps de musique militaire laissent beaucoup à
désirer en Belgique sous le rapport de lorganisation,
à lexception de la musique du régiment des
Guides, dirigée par M. V. Bender et lune des meilleures
que lon puisse entendre. (...).
« Frappé de ses désordres et voulant y mettre
un terme, M. le général Prisse [de Belgique], alors
ministre de la guerre, nomma au mois de juillet 1846 une commission
chargée de lui présenter un travail complet sur
ce sujet. Celle-ci délégua M. Bender et moi pour
faire un plan de réorganisation [des musiques militaires],
tant pour la musique dinfanterie que pour celle de cavalerie,
et nous lui soumîmes les projets suivants, au moins de novembre
de la même année. (...).
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N°55 , du 31 décembre 1848
p.411 : NOUVELLES.- La Société de musique
classique va reprendre ses matinées de musique de chambre
dans la salle de M. Sax, rue Neuve-Saint-Georges, 10. Elle donnera
six séances : la première aura lieu le dimanche
4 février, les autres continueront de quinzaine en quinzaine.
Toutes les places seront numérotées et au prix de
5 francs.- Une personne, en prenant un abonnement aux six séances,
pourra se le procurer au prix de 20 fr., chez M. Tilmant, 16,
rue Neuve-Bréda.
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